Marius
Le Pagnol chantant

 


Posté le  21.09.2015 à 14h20


 

ENTRETIEN - Adapté d’une pièce de théâtre à succès de Marcel Pagnol, Marius (1931) est le premier volet de la trilogie initiée par l’auteur sur Marseille, avant Fanny (1932) et César (1936). Les films sont tous projetés dans le cadre du festival Lumière dans leur version restaurée, après avoir été présentés fin août 2015 sur le Vieux Port.

Le petit-fils de l'écrivain, Nicolas - qui présentera quelques-unes des séances et dédicacera son livre -, revient sur la restauration de Marius, qui conte l’histoire d’un jeune homme employé au bar de son père et de sa prétendante, Fanny.

 

 

Qu’est-ce qui a poussé votre grand-père à adapter Marius au cinéma ?

En 1930, soit deux ans après avoir écrit Marius, il est allé voir à Londres Broadway Melody, de Harry Beaumont. C’est le premier film entièrement sonore de l’histoire du cinéma. Mon grand-père est alors l’auteur de théâtre le plus connu de son époque mais il comprend immédiatement que le cinéma parlant offre une nouvelle possibilité d’écriture. Il rencontre Bob Kane, le patron de la Paramount et le convainc de l’aider à adapter la pièce. Alexander Korda est choisi pour réaliser le film tandis que Marcel s’occupe de la direction d’acteurs. Trois versions du films sont tournées en même temps : une française, une allemande et une suédoise.

Comment le film a-t-il été accueilli ?

Le film sort en 1931 et c’est un gigantesque succès populaire, mais toute la profession du théâtre lui tombe immédiatement sur le dos. Pour elle, il est un traître. À l’époque, mon grand-père a notamment une grande divergence de point de vue avec son ami René Clair, pour qui le cinéma muet est l’essence même du 7e Art. Pour Marcel, qui vient du théâtre, le dialogue est plus important que l’image. Tous deux sont très amis, mais il vont s’invectiver par journaux interposés. Il faudra attendre les années 1950 pour que Marcel Pagnol soit reconnu comme un grand cinéaste.

L’accent marseillais des personnages joue un rôle prépondérant dans l’atmosphère que film…

Bien sûr, et d’autant plus d’ailleurs que dans les années 30, la culture marseillaise est en plein boom et elle est très populaire à Paris, où beaucoup d’opérettes se montent. Marius est un film ancré à Marseille et mon grand-père a livré cet accent comme il figurait dans une France qui n’était pas la même qu’aujourd’hui. Les régions avaient des identités et des spécificités bien plus fortes. De nos jours, la culture est lissée par la télévision. Mon grand-père disait : « l’universel, on l’atteint de chez soi ». Il n’a jamais essayé de réinventer l’art. Son seul filtre, c’était sa personnalité.

 

 

Marius est mis en scène par Alexander Korda. Quelle relation ont-ils entretenu sur le film ?

Korda a appris à Marcel à placer une caméra, à diriger une équipe ou à réaliser un découpage technique, tandis que Marcel a appris à Korda à diriger des comédiens. Ils n’ont ensuite plus jamais retravaillé ensemble, mais ils sont restés amis. Toute leur correspondance est d’ailleurs magnifique.

Quel a été l’enjeu principal de la restauration de Marius ?

Le travail sur le son, qui était la grande crainte que nous avions. On est au début du parlant. C’est un son mono. On l’a scanné et étalonné. Le résultat est superbe même si par endroits, il reste quelques petits défauts. Mais pour un film de 1931, c’est normal. La photographie est magnifique, elle nous permet de redécouvrir le film. D’autant plus d’ailleurs qu’on récupère le cadrage d’origine, qui avait recoupé en 1:37. Le négatif était très abimé. La restauration a duré quatre mois.

Pourquoi avez-vous demandé à Guillaume Schiffman de superviser l’étalonnage du film ?

D’abord parce qu’il avait supervisé celui des films de Truffaut. Il connaît très bien le noir et blanc et comme nous n’avions pas de copie de référence, nous avions besoin d’un travail d’orfèvre sur ce film. Guillaume était clairement le mieux placé car Marcel Pagnol fait partie de ses cinéastes préférés. Il a également énormément lu sur la manière de photographier à l’époque et sur la filmographie du chef opérateur du film Ted Pahle, qui était Allemand.

Propos recueillis par B.P.

Film restauré en 2015 par La Compagnie Méditerranéenne de Films (la société de Marcel Pagnol et actuellement de ses héritiers) et La Cinémathèque Française.

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Marius, d'Alexander Korda (1931)

Fanny, de Marc Allégrat (1932)

César, de Marcel Pagnol (1936)

> Nicolas Pagnol dédicacera « J’ai écrit le rôle de ta vie », Correspondances avec Raimu, Fernandel, Cocteau et les autres (Robert Laffont), le mardi 13 octobre à 11h30, à la librairie Lumière.

Catégories : Lecture Zen