Le meilleur du muet !

 


Posté le 15.10.2015 à 10h33


 

Merci d'aimer le cinéma !

Cette phrase prononcée par Thierry Frémaux pourrait résumer à elle seule la soirée consacrée aux 120 ans de la Gaumont qui s'est déroulée hier soir à l'Auditorium de Lyon. Les plus grands noms du muet : Alice Guy, Léonce Perret ou Louis Feuillade ont aligné une série de films imaginatifs, excentriques, drôles, éternels commentés également par Laurent Gerra et ses imitations. Un cinéma qui venait de naître et qui possède la joie et la liberté de l'enfance !

Gaumont Visuel Affiche

 

On découvre alors que ces réalisateurs se sont servis du cinéma pour déployer toutes sortes de petites expériences toutes plus folles les unes des autres. Alice Guy met joyeusement des petits chiens dans une machine à broyer afin de fabriquer… des chapeaux !! Cet absurde magique est qualifié avec justesse et noblesse de « cinéma primitif » par Thierry Frémaux qui dialoguant avec Laurent Gerra sur scène, décrypte l’importance de toutes ces idées « premières » qui se dévoilent peu à peu sous nos yeux.

Ce qui est passionnant alors est que tout est découverte à commencer par la durée. Les films très courts doivent agir vite et multiplier les inventions. Et tout à coup l’évolution technique permet une durée plus longue. Louis Feuillade, futur réalisateur des sombres et fabuleux Fantômas, imagine un film de dix minutes : Bout de zan vole un éléphant (1913), où l’on voit un enfant kidnapper un éléphanteau pour jouer avec. Quand les lumières se rallument et que Thierry Frémaux revient sur le devant de la scène, toute la salle est émerveillée par ce miracle de poésie ludique et ingénieuse digne des meilleurs Chaplin de l’époque. Frémaux explique qu’avec ce type de films, on sort du cinéma primitif pour une construction narrative plus sophistiquée, « et surtout très inventive » commente Gerra, lui aussi très séduit par la beauté comique de ce qu’il vient de voir.

Suit alors une histoire sentimentale et spirituelle signée Léonce Perret, « un film assez audacieux qui préfigure Sacha Guitry » analyse Frémaux. Puis une curiosité intitulée Le Peintre néo-impressionniste (1910), une comédie qui mélange images réelles et animation par un réalisateur nommé Emile Cohl qui « travaillait de façon lente et précise » à tel point que « Léon Gaumont l’appelait son bénédictin » précise Frémaux avant que Laurent Gerra ne raconte l’histoire en prenant la voix de Jean-Paul Belmondo.

Ce qui frappe alors c’est combien ces films sont d’une qualité narrative si authentique que le public actuel réagit en permanence par des rires ou des étonnements et bien sûr des applaudissements. Thierry Frémaux en décrypteur livre des détails brefs et éclairants, et Laurent Gerra restitue, dans le rôle du candide, les mêmes réactions que les gens dans la salle. Aussi, quand le film Onézime débute au théâtre de Jean Durand (1913), où le héros multiplie les cascades dans Paris, tout le monde en secret pense à Jean-Paul Belmondo. Et quelques minutes plus tard, on entend … « C’est l’ancêtre de Belmondo » réagit Gerra. « Oui, c’est Peur sur la ville » lui répond Frémaux. La salle est vraiment concentrée, à l’unisson.

Les films ainsi s’enchainent.

Avant de se quitter, Thierry Frémaux remercie Nicolas Seydoux, le patron de Gaumont, mais aussi Romain, le jeune pianiste de 24 ans qui a accompagné en musique toute cette soirée de façon précise, intelligente et divertissante.

« Ce sont des trésors ces films-là ! » conclut enfin Thierry Frémaux qui a constaté que l’un des grands paris de ce festival de Lyon : transmettre la valeur du patrimoine culturel cinématographique, hier soir était gagné.

 

Virginie Apiou

 

 

Catégories : Lecture Zen