Posté le 21.10.2015 à 16h48
RESSORTIE - Après la venue exceptionnelle du grand réalisateur Rolf de Heer, qui a fait le voyage de Tasmanie pour présenter la copie restaurée de Bad Boy Bubby pendant Lumière 2015, ressortie du film le 11 novembre en salles.
Enfermé entre quatre murs avec sa mère maltraitante, Bubby, 35 ans aujourd'hui, vit une enfance traumatique dont il va prendre conscience quand son père, Pop, débarque brutalement à la maison. Dans ce film hors norme et survolté, le réalisateur explore des thèmes qui lui sont chers, comme celui de la valeur de l'enfance.
Sans aucune morale personnelle, sans capacité de juger le bien du mal, Bubby est propulsé dans un univers de chaos, de musique, de dépravés, d'horreur, de sublimation, rencontrant tour à tour la honte, la méchanceté et le vice. Extraits d'un entretien avec Rolf de Heer réalisé à l'époque de la sortie du film (1993) par Michel Ciment.
Comment vous est venue l'idée de Bad Boy Bubby et de sa construction très particulière, avec cette première demi-heure claustrophobique qui précède l'entrée dans le monde de Bubby?
L'origine en est lointaine et étrange. Il y a longtemps, j'avais un ami acteur qui, selon moi, était au sommet de sa forme, un comédien exceptionnel, mais qui souvent n'était pas très bon, tout simplement parce qu'il était mal dirigé. Je venais de le voir dans Buried Child, de Sam Shepard, où il jouait un vieillard de soixante-dix ans alors qu'il avait la trentaine. C'était vraiment une interprétation stupéfiante. Nous avons alors pensé réaliser un film au budget particulièrement bas (de l'ordre de 200 000 dollars australiens) en le centrant sur cette interprétation. Nous savions qu'il serait très difficile de rendre crédible au cinéma ce qui est plus facile sur scène : un acteur jeune qui joue un personnage très âgé tout en restant lui-même. C'est ainsi qu'est née l'histoire de Pop et de son retour. J'ai continué à penser au projet pendant plusieurs années, prenant des notes et me sentant très libre par rapport au sujet, dans la mesure où le petit budget prévu me permettait de n'envisager aucun compromis. Mon souci principal, c'était de faire du Cinéma, avec un "C" majuscule. Aujourd'hui, le budget est monté à 1 million de dollars australiens, ce qui reste très modeste. Peu à peu, mon but m'est apparu clairement avec le rapport de Bubby et d'Angel, et surtout l'écriture d'un personnage qui irait contre tous les stéréotypes du beau que nous imposent journellement les médias. D'où, aussi, l'amour entre la mère et le fils. Quand j'ai finalement décidé de m'atteler au scénario, tout s'est passé très vite, tant le projet avait mûri en moi progressivement.
Afin que la deuxième partie soit convaincante et que je puisse traiter les situations qui m'intéressaient, il fallait qu'au début Bubby soit comme une page blanche, un innocent. Pour réussir cela, il me fallait l'éloigner de tout ce qui constitue la société : la télévision, la radio, les livres, les photos. Je voulais qu'il ne connaisse rien, l'enfermer entre quatre murs, et en même temps expliquer pourquoi il se trouvait là et pourquoi sa mère l'y gardait. J'ai alors imaginé l'histoire d'une jeune femme qui a été mise enceinte par un repris de justice et abandonnée par lui. Elle donne naissance à l'enfant et, éprouvant de la honte, elle l'isole et s'isole elle-même au point de perdre un peu la raison. Il me semblait nécessaire de montrer cela et de consacrer un certain temps à cette situation, pour que le contraste soit d'autant plus fort quand Bubby découvre le monde extérieur. Nous avons décidé de tourner cette première partie en 1.33, et non en écran large, et il en a résulté une telle atmosphère de claustrophobie que nous-mêmes ne pouvions la supporter !
Remerciements à Nour Films
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