Master class Martin Scorsese

 


Posté le  16.10.2015 à 17h30




MORCEAUX CHOISIS - Vendredi 16 octobre à 15h, le maître Martin Scorsese a donné une Master class extrêmement attendue au Théâtre des Célestins. Comme à son habitude, le réalisateur a plusieurs projets sur le feu, dont Vinyl, une série très rock années 70 préparée avec Mick Jagger, et Silence, un film dont l'histoire s'inspire du livre du même nom.
So
Marty, you're talking to me? 


Ovation dès son arrivée. Son enfance est à la racine de ce qu'il est
: "Tout ramène à la connaissance, et, dans mon enfance, c'est la fenêtre du cinéma qui m'a été proposée. Le fait de voir des films m'a permis de faire le lien avec la culture en général, la danse, la musique... "

Evocation du besoin de transmission de la connaissance (son épouse et sa fille Francesca sont présentes dans la salle): "Enfant, j'était un petit garçon asthmatique. Les médecins disaient : ne le laissez pas dehors, ne le laissez pas grimper aux arbres (heureusement il n'y avait pas d'arbres sur Elisabeth Street où je vivais), et on m'interdisait de jouer dans la rue. Donc mes parents m'ont emmené au cinéma. Et, compte tenu de cette situation, nous avons eu le privilège d'avoir un poste de télé dès 1948. J'ai donc pu découvrir Les enfants du Paradis, La Belle et la bête ou les films de Rossellini ou de De Sica dans le cadre de la thématique cinéma italien du vendredi soir. Il n'y avait que deux chaines de télé, et les mêmes films en noir et blanc passaient en boucle. Dans les années 1950, on a découvert La Strada de Fellini, le Septième Sceau de Bergman..., soit un film extraordinaire par semaine, jusqu'à la Nouvelle Vague."

"C'était aussi la découverte d'un nouveau langage, comme celui d'Andy Warhol, qui a redéfini le vocabulaire, même si je l'avoue,
Andy Warhol n'était pas trop ma tasse de "soupe", explique t-il non sans humour.

"Après New York New York, je l'ai pas mal côtoyé mais je n'ai jamais vraiment tout compris. Là, j'ai eu ma période un peu paillettes et show-bizz, mais très vite La dernière Valse (1978) m'a fait changer, puis Raging Bull (1980). Après cette époque, Altman et moi avons compris que nous entrions dans une période difficile. Il a fallu qu'il attende The Player (1992) pour retrouver le succès et moi, La Couleur de l'argent (1986). Warhol m'a d'ailleurs un jour fait remarquer, alors que nous sortions d'une soirée, que je n'étais plus aussi marrant qu'avant ! Et ça a été notre dernier échange ! C'était un monde différent, qui venait tout droit des années 1960."

A la question de Thierry Frémaux : Marty, êtes-vous un survivant?

"Oui je crois, quand je regarde mon parcours. Même si j'ai ce désir intact de faire des films, j'y ai laissé des plumes en termes de vie personnelle. J'ai eu la chance de maintenir des liens avec des gens avec qui j'étais sur la même longueur d'onde, qui me soutenaient parce qu'ils voulaient voir ce type de films à l'écran ; ce qui m'a permis de surmonter des périodes terribles de traversée en désert, comme entre 1982 et 1987, alors que beaucoup de cinéastes n'ont plus été soutenus dans les années 1980."

Sur son "statut" d'auteur, de cinéaste indépendant

"D'une certaine façon, j'ai émergé de la scène indépendante à New York mais je n'habitais pas Greenwich Village, je n'étais pas bohème, je ne vivais pas dans le Village et je venais d'une famille sicilienne de Little Italy, de la poche provinciale de New York. Cassavetes, qui faisait Shadows (1959), a joué le rôle d'homme-clé, il a été le déclencheur de la flamme. Et, en 1961, une petite unité de NYU (New York University), un professeur en particulier, m'a permis de croire que je pouvais faire des films. C'est ironique car j'ai toujours pensé que je serais un réalisateur d'Hollywood mais ça n'est pas ça que je suis devenu. Même quand je fais des films dans la tradition des fims de gangsters, ça n'est pas Scarface, ça n'est pas Public Enemy..."

"J'ai tenté de faire des films hollywoodiens, de faire d'Aviator un grand spectacle même si j'y ai instillé des touches dramatiques, puis, avec les Infiltrés qui, allez savoir pourquoi, a cassé la baraque et a enlevé l'Oscar. Or Les Infiltrés étaient surtout l'occasion de faire une sorte de dernier constat sur la pègre, sur la violence de cet univers là, et je voulais bien sûr que les investisseurs rentrent dans leurs frais. Je n'aurais jamais pensé que ce film recevrait un accueil si chaleureux, comme celui que j'ai ressenti aux Oscars."

Sur les différentes étapes de fabrication d'un film

"Faire du cinéma c'est écrire, monter etc... mais mon étape préférée ça a toujours été le montage, ça remonte au gamin asthmatique que j'étais. Ca fait un peu Los olvidados, "le petit gamin pauvre qui ne pouvait pas faire grand chose d'autre que de rester dans sa chambre", mais c'est proche de la réalité de l'époque. Quand j'étais seul dans ma chambre, j'inventais des histoires en assemblant des images, des dessins coupés dans les journaux, et j'apprenais ainsi le vocabulaire d'une narration. Je retrouve cela dans la phase de montage, comme quand je travaille avec Thelma, ma précieuse monteuse. On est dans un rapport d'intimité unique avec l'image, et c'est à ce moment-là qu'on fabrique le film."

A propose des Affranchis

"Pour Les Affranchis (1990), j'ai utilisé ma propre connaissance de ce milieu de gangsters. Après Mean Streets (1973) qui était complètement autobiographique, c'était l'étape suivante. Les Affranchis, c'est vraiment un travail qui étudie la dimension intérieure de ces personnes, la posture qu'ils prennent. On a vraiment tenté de restranscrire ce milieu, même si ça nous a valu d'être blacklistés de certains restos italiens de New York, et qu'on nous a reprochés de rendre le crime attirant. Pour nous la question ne se posait même pas, c'était plutôt : "pourquoi le crime nous attire t-il?". J'ai soulevé cette question à nouveau dans Le loup de Wall Street (2013)."

Sur ses influences musicales (le rock, Bob Dylan, Georges Harrison, les Stones...). A quand un documentaire sur Bruce Sprinsteen ? Réponse lapidaire: Say no more !

Sur sa production cinématographique riche et variée, les restaurations qu'il gère dans le cadre de la Film Foundation...

"Je suis très bien entouré. Ma monteuse Thelma m'aide énormément, c'est ma cheville ouvrière, on fait les montages à la maison. Le réalisateur David Tedeschi m'épaule sur plusieurs projets comme No Direction Home... Margaret Bodde à la Film Foundation..., mon assistante Lisa, mon manager à LA qui a toujours des mauvaises nouvelles à m'annoncer...! Ma fille Francesca peut en témoigner, on est toujours un peu dans notre bulle à la maison. Donc les occasions comme celle-ci, le festival Lumière, c'est une vraie opportunité pour revoir des gens qui me sont chers, car je manque de temps."

Sur son projet de film Silence

"J'ai mis une dizaine d'années pour travailler le scénario, et, même après la fin de son écriture en 2006, il y a eu un processus juridique extrêmement long pour obtenir les droits du livre. On a su après Hugo Cabret seulement (2011) que le film allait se faire. "

Et le prochain film avec Bob de Niro?

"C'est prévu, c'est un film qui s'appellera L'irlandais, mais on essaie de se caler et de trouver un financement (ce qui ne manque pas de surprendre Thierry Frémaux  qui demande : ne me dites pas que c'est difficile de trouver des financements pour un film de Scorsese, avec Robert de Niro ?). Ce à quoi Martin Scorsese répond : "c'est toujours la même histoire, une fois que vous adhérez à une histoire, il faut que votre désir coincide avec les personnes qui vous aident à faire le film. Donc il faut être sûr de ça !"

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories : Lecture Zen