Panique
C’est un assassinat

 


Posté le  12.10.2015 à 10h57


 

Le corps d’une vieille fille en mal d’amour est découvert dans le terrain vague d’une petite ville de banlieue parisienne. C’est un assassinat. Au même moment, une belle fille sexy prend une chambre dans l’hôtel-pension du coin. Autour d’elle, un petit malfrat enjôleur, et, un homme intelligent, sarcastique et laid. Il y aurait mille façons de résumer Panique, adaptation cinématographique splendide et pleine du roman de Georges Simenon : Les Fiançailles de Monsieur Hire.

 

 

Mille façons, car ce film adopte le point de vue d’un Jean Renoir qui veut que : le problème sur cette terre, c’est que tout le monde a ses raisons. Ses raisons pour vivre, trouver le bonheur, à n’importe quel prix. Renoir tentait ainsi de concilier l’humanité par une certaine compréhension perpétuelle de l’autre, une chaleur aussi, un sens de la légèreté néanmoins profond afin de rester ensemble. Julien Duvivier applique l’adage de Renoir mais transformé par le tamis noir jusqu’au sordide de Simenon. Panique met alors dans un état de folie et d’inconscience totales ses personnages, tous incapables de retenir l’aspect le plus sombre et le plus faible de leurs personnalités. Avec une minutie remarquable, fascinante, Duvivier construit une histoire où l’amour ploie sous les jougs de la suspicion, la bêtise, le sentimentalisme pitoyable, le prêt à penser de la foule, la vilenie évidente, et plus retors encore car secret, l’humiliation que font subir aux autres les gens intelligents par leur mépris le plus pur.

Ces éléments admirablement distribués font de Panique, l’un des plus grands films de Duvivier qui va de l’évident restitué au très étonnant. Évidente cette petite crapule ignoble campée par un acteur au visage étrange et joliment tordu, Paul Bernard. Évidente encore, l’absolue non résistance de l’héroïne, Viviane Romane, yeux mi-clos, corps ployé et bouche entrouverte sous le désir amoureux, face à un salaud incapable de sentiments. Très étonnant, alors, au milieu de ce duo en complète faillite, un homme qui aime la viande saignante et le fait savoir haut et fort. Cet homme, c’est la clé du film, son plus grand mystère. C’est aussi Michel Simon, tout en barbe très brune et en costume très ajusté à un corps trop grand. Mal à l’aise au cœur de gens dont il devine tout, grâce à sa très grande perspicacité, ce personnage, tel Ray Milland, le méchant de Le Crime était presque parfait, d’Alfred Hitchcock, se fait avoir par sa trop grande intelligence qui déclenche chez lui un manque de cœur. Multipliant les provocations, autant par désœuvrement que par agacement, ce héros qui se fiche pas mal d’être mal aimé, démontre une théorie très rare, et relativement osée : il est aussi nocif et peut-être coupable, de mal utiliser son intelligence que d’être le dernier des salauds. Panique en cela est absolument magnifique, et unique.

Virginie Apiou

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Panique de Julien Duvivier , France , 1946

Catégories : Lecture Zen