Un Merveilleux dimanche, d’Akira Kurosawa

 


Posté le 17.10.2015 à 12h30


 

C’est bien connu les dimanches sont souvent haïssables car ils sont tristes et plein d’ennui. C’est alors sous un ciel d’un blanc, blafard, opaque, que les deux jeunes héros de Un Merveilleux dimanche se retrouvent, au cœur d’un Tokyo encore assommé par la fin toute récente de la seconde guerre mondiale.

 

 

Ils s’aiment, ils le savent, c’est une affaire entendue, seulement il faut avoir un endroit pour s’aimer. Et quand on est complètement fauchés, on est condamnés à errer dans la ville hostile et froide, le manteau boutonné jusqu’au cou, les épaules crispées, avec pour spectacle les autres, ceux qui sont un peu plus riches et ne font que passer. Rester sur le trottoir à être les témoins de la vie qui commence à reprendre dans le Japon de la fin des années 40, est l’une des gageures de ce couple. Tiendra-t-il la journée ainsi ? Ou constatera-t-il que les contingences matérielles auront raison de leur amour ?

Un Merveilleux dimanche est alors à la fois le portrait d’une société japonaise où les classes sociales reprennent leurs droits après des années de conflit, mais c’est aussi un film sur la ressource, la ressource humaine, intérieure, qui est bien obligée d’émerger des ruines pathétiques du monde qui l’entoure. Que va faire ce couple avec ses envies ? Envies charnelles et pressantes pour lui, envie de vivre longtemps, tout simplement pour elle qui lui renvoie un regard bouleversant alors qu’il tente de l’embrasser dans l’embrasure d’une porte qui ne sera jamais celle de leur foyer. Il y a alors du tâtonnement, de l’incertitude, de la colère secrète, de l’impatience et tout à coup de l’imagination. Imaginer pour échapper à la réalité, pour la supporter, est à la portée de tous, c’est que les artistes comme Kurosawa appliquent eux-mêmes pour créer.

Quand il se met à imaginer ensemble, le couple de Un Merveilleux dimanche suit le même chemin et se rend compte qu’il y a forcément un possible, bientôt. Par d’infinis détails accumulés, Kurosawa invite ses compatriotes à ainsi se reconstruire en étant solidaires. Une expérience parfaitement valable en 2015.

Virginie Apiou

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Un Merveilleux dimanche, d'Akira Kurosawa (1947, 1h49)

Catégories : Lecture Zen