Vivre dans la peur, d’Akira Kurosawa

 

« À quoi bon y penser »… et vivre dans la peur, exprime un personnage jeune en réponse à l’interrogation d’un patriarche frileux à propos de la bombe atomique dans le bien titré en français Vivre dans la peur d’Akira Kurosawa.

 

 

Trois ans auparavant, le cinéaste japonais avait réalisé Vivre, un film frère, où il était question d’un homme qui s’est toujours retenu d’exister et qui apprend soudainement qu’il est atteint d’un cancer. Difficile de dissocier le monde atomique avec la maladie, évidemment le cancer, et le traumatisme collectif, quand on est un japonais de l’immédiate après-guerre. Ces faits tragiques majeurs que furent les explosions des deux bombes atomiques de Nagasaki et Hiroshima, ont créé ainsi une obsession artistique et donc cinématographique dans le Japon d’alors. Et encore aujourd’hui. C’est ce qui fait aussi la grande modernité de Vivre dans la peur, et une question tout simple qui provoque des réactions contrastées et folles : comment faire pour vivre après, et avec ÇA ?

Toujours tenu par une obligation très personnelle de filmer à hauteur d’homme, Kurosawa dresse et justifie peu à peu les comportements de ses personnages selon leur âge. La génération, voilà ce qui construit ce film, ce qui construit aussi une société. La génération vieillie, ressentant physiquement l’amoindrissement des forces et la vulnérabilité du corps livre les projets les plus fous parce que paniqués. Il faut évidemment fuir, aller le plus loin possible de ce pays contaminé, et pourquoi tout recommencer… au Brésil ! La jeune génération beaucoup moins marquée et plus indolente, préoccupée surtout par vivre tout de suite et selon des codes qu’elle commence à bien intégrer, se montre moins audacieuse, plus butée et plus fataliste. Des sentiments paradoxaux qui font la vieillesse veut être pionnière et la jeunesse plus réservée, c’est là la grande originalité des histoires vues par Kurosawa.

Virginie Apiou

Catégories : Lecture Zen