Posté le 13.10.2015 à 11h10
Kurosawa 1961- Un justicier est dans la ville et il est à vendre. Yojimbo est un samouraï, mais c’est surtout un mercenaire. Quand il se déplace dans cette ville du 19ème siècle japonais, c’est principalement filmé de dos (large) pour prouver qu’il ne craint personne avec son sabre en érection. Une musique cool et offensive l’accompagne. Kurosawa introduit ainsi son héros d’une façon crâneuse et divertissante, avec l’assurance d’un réalisateur qui sait filmer avec le bon tempo. Et immédiatement le cinéaste japonais impose son écriture filmique composée d’images stupéfiantes comme ce chien qui trimballe dans sa gueule une main. Des images faites pour choquer et qui pourtant provoquent à peine le soulèvement d’une paupière de la part du héros, montrant au passage que c’est un homme réellement aguerri.
Ce héros sans étonnement qui mange, écoute, se gratte le nez, et dispense ses avis, agit comme un être apparemment sans peur, un exemple de souveraineté au cœur d’une société de petits commerçants, paysans, aubergistes. Forcément cet être-là tout le monde voudrait l’avoir à ses côtés. Il rassure car il assure. Une histoire un peu western cousue de fil blanc ? C’est sans compter le génie de Kurosawa qui vient gripper sa belle machine mise en place avec une idée simple : son héros est certes un dur à cuire mais il est peut-être aussi un homme sans parole, un type qui se vend au plus offrant, et dont on ne sait pas s’il tiendra ses promesses. Un vrai danger public car finalement est-il aussi courageux qu’il le proclame ? En utilisant cette ambiguïté possible jusqu’au bout, Kurosawa maintient une tension permanente, un enjeu toujours renouvelé et une excellente question : de quel côté la vie peut faire pencher un être humain selon ses faiblesses mais aussi ses qualités ? Passionnant.
Virginie Apiou