A Letter to Elia

Martin Scorsese n’est encore qu’un enfant lorsqu’il voit pour la première fois Sur les quais (1954) et À l’est d’Eden (1955). Il en ressort bouleversé, conscient qu’Elia Kazan est en train d’inventer un nouveau style d’interprétation qui montre la vérité derrière la pose. Une révolution à laquelle voudra prendre part Scorsese : jeune étudiant en cinéma, il envoie une lettre à Kazan pour devenir son assistant sur L’Arrangement (1969). Celui-ci lui répondra en personne : « Non, je ne prends pas d’assistant ».

Cette non-rencontre singulière marque le début de la relation entre les deux réalisateurs. Kazan deviendra une figure tutélaire, un autre père pour Scorsese. Le réalisateur anatolien le conseille, ses films inspirant aussi le jeune réalisateur, qui ne cessera de le citer parmi ses maîtres ; il lui rend ici hommage, peu après sa disparition.

À l’origine, A Letter to Elia devait parcourir l’ensemble de la carrière du cinéaste. Une idée bien vite abandonnée par le réalisateur, qui préfère évoquer le pouvoir de l’art mis en œuvre dans À l’est d’Eden et Sur les quais, à travers de nombreux extraits de films, d’interviews et de textes de Kazan, alternant avec les propos de Scorsese. « En une heure, très très dense, l’Italianamerican se reflète dans l’Anatolianamerican, montre des clous et des clefs de l’univers dérangeant de son aîné, avant et après son aveu communiste, pour parvenir à cadrer son propre ego, ses propres racines » (Élise Domenach, Positif, n°597, novembre 2010). Finalement, en parlant de Kazan, sa référence ultime, Scorsese parle aussi de lui et de son processus créatif. Un double portrait croisé, personnel et profond.