Ivan le Terrible

Film-fleuve et ultime œuvre de son réalisateur, Ivan le Terrible est, dans sa première partie, une ode au pouvoir, à travers le portrait d’un héros majestueux ; un fait rare car, selon Eisenstein, « en général, on s’efforce de créer un personnage, un héros historique "accessible",  de le dépeindre comme un être ordinaire doué des caractéristiques humaines de n’importe quel être, de le présenter en chemise et en bonnet de nuit. Mais pour Ivan, nous avons voulu procéder différemment. » (France-URSS, avril 1946, cité dans Jeune Cinéma, n°35, janvier 1969)
Eisenstein a détourné l’image réelle du tsar, connu pour ses violences sur la population russe et sa famille, pour en faire un somptueux rassembleur du peuple, luttant au péril de sa vie pour éradiquer les conflits de son pays. Il devient le symbole du puissant État russe, un symbole mis en valeur graphiquement par le cadrage savant, les décors, les costumes, les jeux d’ombres et un esthétisme démesuré.

Virtuosité technique et beauté plastique étaient-elles au service de la propagande ? Alors que la première partie glorifie un leader et son peuple (le film recevra le prix Staline), la deuxième partie dénonce la période de terreur et les dérives du pouvoir. Celle-ci fut vivement critiquée par le comité central du Parti communiste soviétique : tous les aspects positifs d’Ivan y étant effacés, elle fut censurée jusqu’en 1958.
Qu’aurait donc été le destin de la troisième partie de l’œuvre, que n’aura pas le temps de tourner le réalisateur avant sa mort ? Le court extrait en couleur présent dans la deuxième partie annonçait le coloriste génial qu’Eisenstein aurait pu être...