La Valse des pantins

Il aura fallu plusieurs années pour que Scorsese se décide à réaliser le scénario de Paul D. Zimmerman. Quand il le reçut, il le donna à Robert De Niro qui essaya de le convaincre, puis le scénario passa entre les mains de Miloš Forman et de Michael Cimino. Après Raging Bull, De Niro est victime de harcèlement de la part de fans et manifeste alors un vrai désir pour ce film. Il finit par entraîner Scorsese. Les deux hommes retravaillent ensemble le scénario afin de l’assombrir : la comédie devient noire et grinçante.

Jusqu’où peut-on aller pour vivre le rêve américain de célébrité ? Rupert Pupkin est un outsider, dans une lignée toute scorsesienne. Naïf, obstiné, il confond fantasme et réalité et persécute une vedette de télévision jusqu’au stade ultime, l’enlèvement. Mais après l’arrestation et la prison, Pupkin écrit un livre et vit, enfin, son quart d’heure warholien de gloire.

Au début des années 1980, l’Amérique prend conscience de la perversité de la culture de masse : le 8 décembre 1980, Mark David Chapman abat John Lennon, et le 30 mars 1981, John Warnock Hinckley Jr. tente d’assassiner Ronald Reagan. Scorsese signe, à l’issue d’un tournage éprouvant, un film particulièrement dérangeant sur l’obsession et la violation de l’intimité. La forme, plus classique qu’à l’accoutumée – moins de mouvements de caméras –, déroutera certains. Considéré comme un film maudit, La Valse des pantins est parfois malmené par Scorsese lui-même. Pourtant le cinéaste reconnaîtra y avoir finalement trouvé une matière plus personnelle qu’il ne l’imaginait. « Je pouvais voir Rupert avec les yeux de Jerry, et inversement. C’est une sensation très étrange, parfois terrifiante, que de pouvoir se partager entre ces deux personnages. De vivre cette obsession et de la regarder du dehors. » (Scorsese par Scorsese, Michael Henry Wilson, Cahiers du cinéma)