Les Salauds dorment en paix

« De quels méfaits ne sont pas capables certains hauts fonctionnaires qui se cachent derrière la façade bien commode des grandes sociétés ? J’ai voulu démasquer cette race, et faire un film sur la corruption de la haute finance. » (Akira Kurosawa)

Premier film de la toute nouvelle société Kurosawa Production (coproduit par la fidèle Toho), Les salauds dorment en paix est une violente attaque du système politique et économique du Japon moderne. Un film politique certes, mais avec tous les aspects d’un film policier, à la fois film noir et tragédie. Car cette histoire de vengeance, celle de Nishi qui œuvre pour laver la mémoire de son père, est inspirée du Hamlet de Shakespeare.

La mise en scène de Kurosawa souligne son propos : le noir et blanc y est splendide, révélant un jeu d’ombres propres aux secrets et à la manipulation. Certains plans sont composés comme des tableaux – la peinture fut la première passion du cinéaste. Sombre et pessimiste, Les salauds dorment en paix est, pour Aldo Tassone (Akira Kurosawa, Edilig), « un tableau implacable et sarcastique de la corruption, un cri de révolte sincère et honnête contre l’injustice et contre l’impunité des puissants ». Mais il n’en reste pas moins un portrait troublant d’une victime assoiffée de vengeance, à qui Kurosawa fera confesser qu’il « est difficile de haïr le mal sans pour autant se laisser posséder par lui. »